Deux
ans après le drame des prostituées à Vridi: Les rescapées témoignent
Ami B. et Maman K. reviennent de
loin. Il y a près deux ans (26 septembre 2010), ces deux filles échappaient à
la mort suite au naufrage d’une embarcation de fortune qu’elles avaient
empruntée au large de Vridi-Canal pour aller moyenner leur charme en haute mer,
dans les bateaux étrangers.
Trois des leurs à savoir, K.
Ramatou, Djenebou et Awa ‘’Casse-casse’’, moins chanceuses,avaient péri dans
cette aventure. Nous avons rencontré, le mercredi 11 juillet 2012, lors d’un
détour à Palm Beach, à Vridi, celles qui avaient défrayé la chronique dans
cette affaire dénommée naguère ‘’Prostitution dans les bateaux en mer :
l’aventure tourne au drame’’.
Belle aubaine pour nous de savoir
enfin la vérité sur ce qui s’est réellement ce jour-là. Dès que nous les
interpellons, elles pensent avoir affaire à des dragueurs. Nous sentons un mur
de méfiance se dresser au regard de leurs visages. Nous déclinons notre
identité. « C’est le journaliste qui nous a aidées avec son ami
sauveteur », lâche l’une d’entre elles.Aussitôt, le ton devient
amical. Les civilités sont donc faites sans anicroches. Mais lorsque nous
abordons le chapitre de leur vie portant sur cette affaire de prostitution en
haute mer, elles redeviennent calmes. Nous usons d’un autre stratagème en les
invitant à prendre un pot. Elles n’y voient aucun inconvénient. Nous allons au
bistrot situé non loin du village où se disputent musique à fond la caisse,
fumée de cigarettes et consommation à profusion d’alcool, principalement
importé des pays limitrophes notamment du Ghana.
Les deux jeunes filles semblent
avoir retrouvé leur ‘’biotope’’. « Mon ‘’vieux’’, je veux une cigarette
», demande Ami B., la plus jeune, sans aucune forme de politesse. Requête
satisfaite malgré tout. Nous passons la commande et débutons la conversation.
Le temps s’égrène. La confiance s’installe tout doucement, les minutes qui
suivent. Nous profitons de ces instants pour tirer les vers du nez d’Ami et de
Maman. Le sujet à l’ordre du jour est le même : Qu’est-ce qui se passait à
bord des bateaux en haute mer et les raisons du drame ? « Vraiment,
c’est compliqué à expliquer. Nous, on était au village et c’est là-bas que nous
nous débrouillons pour nous nourrir et faire vivre notre petite famille. Et
lorsque David (un proxénète passeur) nous a contactées, il nous a dit qu’on
pouvait se faire beaucoup d’argent si on acceptait d’aller à bord des bateaux
européens et chinois », confie Ami, avant de poursuivre : « Lorsque
nous avions accepté, David nous prenait chaque fois la nuit pour aller à bord
de ces bateaux étrangers et nous ramenait au petit matin. On pouvait gagner 100
mille ou 200 mille Fcfa la soirée. Somme sur laquelle notre passeur prélevait
une commission oscillant entre 50 et 60 mille Fcfa par fille».
A propos du jour du naufrage, elle
révèle: « Ce jour-là, c’était le vécu de notre mort en direct lorsque notre
embarcation s’est renversée. Nous avons eu plus de chance en nous
agrippant sur une partie de la pirogue. Ce sont les vagues qui nous ont
balancées jusque sur la rive ». Aussi n’occulte-t-elle pas de
remercier Kokora Michel Archange, président de l’Unité spéciale des sauveteurs
aquatiques (Ussa) pour les avoir aidées et concouru à retrouver deux des corps
de leurs camarades.
Les démons du ‘’paradis’’
A la question de savoir ce qu'elles
faisaient de particulier avec les expatriés pour avoir tout cet argent, les
deux filles feignent de ne pas la comprendre. Elles hésitent, balbutient et
finissent par avouer. « Avec les marins blancs et chinois, nous b… en
groupe (partouze)», confesse Maman. « Ils nous forçaient des
fois à des sodomies et autres pratiques inimaginables »,
ajoute-t-elle, non sans déclarer goujatement : « Ce qui comptait
pour nous, c’était d’avoir à tout prix l’argent. Peu importe le châtiment qu’on
subissait ». Quid de l’état d’âme d’Ami et Maman près de trois ans
après le drame ? Des remords, elles en ont à tout moment. « Quand
je pense à tout ce que nous avons eu à endurer avec la mort de mes amis, j’ai
les larmes aux yeux. J’ai honte », fait savoir Ami. Quand
sa camarde fait état d’intenses insomnies qui la tirailleraient sans cesse les
nuits. « Au début, mon sommeil était troublé. Maintenant, je suis en
proie à des cauchemars chaque nuit», déplore-t-elle.
Nonobstant le drame dont elles ont
été victimes, Ami et Maman ne se sont pas encore défaites de l’emprise du plus
vieux métier au monde. « Je n’ai pas encore arrêté la prostitution.
Vous savez, c’est très difficile d’arrêter quand on ne fait rien »,
témoigne-t-elle, tout en précisant : « Nous avons arrêté d’aller faire
ça en mer depuis la mort de nos camarades », promettant de tout
arrêter. « Si nous avons un jour les moyens de démarrer un commerce,
nous arrêterons définitivement la prostitution», jurent-elles.
Revenant sur l’intérêt que ce drame
a suscité auprès de certaines organisations au point que certaines leur aient
fait miroiter de mirobolantes promesses, Ami B. et Maman disent être restées
sur leur faim. « C’est une seule organisation qui nous a aidées à
inhumer nos camarades en nous offrant des bâches, des tee-shirts et la sono.
Les autres n’ont rien fait pour nous », a-t-elle craché, tout en
dénonçant qu’on ait utilisé leur drame à des fins mercantiles. Avant de prendre
congé d’elles, Ami et Maman s'offusquent du retour du proxénète qui les avait
conduites au ‘’paradis’’ de l’enfer.
Soir Info
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